Territoires d'enfance
Sarah BURGESS, Virginia HÖGLINGER, Irda RODRIGUES
Laëtitia ABELA, Alice JEAN, Jacqueline SCHAUMBURG
Sommaire
Je me souviens...
1.
Je me souviens quand on payait avec des pièces de dix francs.
2.
Je me souviens du balcon sans barrière et d’attacher une corde, d’y descendre et de me brûler les mains.
3.
Je me souviens de la peur quand notre merle volait autour de nos têtes, toutes ses petites plumes tombaient pendant qu’il poussait des cris rauques.
4.
Je me souviens quand le boulanger faisait le pain à côté de chez moi et de cette odeur qui se dégageait de la boulangerie.
5.
Je me souviens que je pensais toujours pouvoir gagner la grosse peluche à la machine à pince de la fête foraine et que j’étais chaque fois déçue d’avoir perdu ma pièce.
6.
Je me souviens de cette vieille dame qui nous apprenait le crochet et le tricot et à noyer ses petits chats…
7.
Je me souviens quand la tempête de 1999 avait cassé tous les arbres et faisait voler les poubelles.
8.
Je me souviens de ce train qui passait à la même heure tous les jours.
9.
Je me souviens de cette colle au goût de fraise que l'on voulait manger.
10.
Je me souviens d’avoir aidé ma grand-mère à nettoyer l’église, en glissant sur mes fesses sur toute la longeur des bancs.
11.
Je me souviens de ma maison qui était entourée de fleurs de lilas.
12.
Je me souviens de la neige, du traîneau, de la descente, de la poursuite de mon chiot fidèle qui était fou de joie.
13.
Je me souviens du hamster nommé Happy, raide mort, que ma soeur et moi avons mis sur la chaudière, emballé dans un torchon et que nous avons massé vigoureusement afin de le ressusciter !
14.
Je me souviens qu’on devait tenir ma chienne en laisse quand on passait devant le terrain de foot, sinon elle courait après le ballon et ça faisait carton jaune pour l’équipe de Leforest.
15.
Je me souviens quand la France a gagné la Coupe du monde en 1998.
16.
Je me souviens de cette odeur fruitée dans le hall de l'école maternelle.
17.
Je me souviens qu’on allait faire les courses au supermarché. Mes frères et mes sœurs et moi on prenait nos vélos, mon père prenait sa mobylette et après, on mangeait une glace à la cafétéria.
18.
Je me souviens des heures et des heures passées à cueillir des violettes pour en faire un très gros bouquet pour ma grand-mère.
19.
Je me souviens qu'à Noël dans les usines les patrons offraient des tickets pour le cirque et on avait un cadeau.
20.
Je me souviens du son de la moto avec side-car de mon père qui arrivait chez nous. Son arrivée me plaisait et son départ me rendait triste. Mon héros, mon roc, mon cher “Pops”.
21.
Je me souviens de mon père qui rentrait chez nous après le travail, son visage noirci par la suie de la mine.
22.
Je me souviens des gens qui brûlaient les feuilles d’automne dans les rues. Ils en faisaient des tas, on mettait du papier alu sur des pommes de terre et on les faisait cuire dans les feux.
23.
Je me souviens de mon index mélangeant dans un verre de la boue, de l’eau et des vers de terre.
24.
Je me souviens du chou-fleur en béchamel, vomi dans mon assiette à la cantine.
25.
Je me souviens de ces foots en folie sur la pelouse mouillée dans le jardin avec mon frère.
26.
Je me souviens de la douleur infligée par ma mère alors qu’elle essayait de retirer le petit pois coincé dans mon nez. J’avais 3 ans !
27.
Je me souviens de l’arrière-grand-mère qui disait qu’on finirait sur l’échafaud ! Elle qui finissait sa vie dans une maison de retraite qui sentait l’urine…
28.
Je me souviens de la page d’anatomie du Petit Larousse Illustré : fascinant et effrayant à la fois.
29.
Je me souviens de la première fois que ma sœur a fait du vélo. Elle m’a foncé dessus. J’ai eu les deux yeux au beurre noir.
30.
Je me souviens de la sensation du manteau de fourrure de ma mère, si doux et chaud.
31.
Je me souviens que je jouais à la poupée derrière l’armoire de ma chambre.
32.
Je me souviens du centre aéré où on allait mon frère et moi. On mangeait au goûter du pain avec une barre de chocolat et de l’eau qu’on avait dans notre gourde.
33.
Je me souviens de ces dîners où l'on buvait un bol de lait et que l'on mangeait des tartines de pain avec du beurre.
Souvenirs, souvenirs
Irda
Babette
Je me souviens de Babette, la vieille dame qui me demandait parfois de lui faire ses courses. Un jour, elle me donne son porte-monnaie. Ce n’est pas le même que d’habitude. Je ne dis rien. Et puis elle me donne sa liste. Dans le magasin, je viens de finir, la caissière me donne le montant. Là, j’ouvre le porte-monnaie, je deviens toute rouge, je regarde la caissière, je regarde à nouveau à l’intérieur du porte-monnaie, je n’en crois pas mes yeux. Un dentier ?!
Le chien
Je me souviens de ce chien, attaché, je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu détaché. Quelle tristesse ! Je me suis approchée. A genoux, je lui ai dit l’amour que je lui portais et pour le lui montrer, j’ai sorti de ma poche la chaîne en or de mon baptême, je la lui ai mise et je l’ai embrassé. Le lendemain, je suis venue lui rendre visite et là, surprise ! Il n’avait plus sa chaîne.
Le lilas
J'ai habité à Monton jusqu’à mes huit ans. Le souvenir que j’en ai aujourd’hui, c’est le parfum du lilas.On habitait au-dessus des grottes de Monton, on y passait tout notre temps ! Des odeurs, des endroits pour se cacher, la liberté !Sur la plate-forme d’une grotte, des branches de lilas. Le pied de l’arbre était en contrebas. Et là, je marche sur cette plate-forme et je rentre dans l’arbre de lilas, ses fleurs touchent mon visage. Cette odeur de lilas, oui, cette odeur, oui, la liberté !
Sarah
Je suis née en Angleterre dans les années soixante, alors que les gens commençaient à connaître la mini-jupe, les Beatles, le Rock n’ Roll, Johnny Hallyday, les drogues… mais moi, mes babysitters étaient deux vieilles femmes de plus de quatre-vingts ans ! Je me souviens de ma jeune enfance pendant laquelle on m’a imposé un comportement rigide dans tous les domaines. Je me souviens d’avoir vécu dans une petite communauté où les choses importantes étaient : 1. La religion stricte (quatre fois à l’église le dimanche et deux fois minimum en semaine). 2. La propreté, surtout sur le seuil de la maison, que les femmes frottaient tous les jours au salon avec une brosse, au cas où le prêtre viendrait. 3. La charité : les femmes préparaient des repas pour les pauvres, les veuves, les personnes dans le besoin. Je me souviens que je portais souvent le panier repas couvert d’un torchon. 4. Les cancans entre les femmes de la famille et les plus vieilles, toutes habillées de noir et coiffées de la même façon. 5. L’hypocrisie : boire de l’alcool était interdit dans la religion stricte. Pourtant, mon arrière-grand-tante me confiait la tâche de rapporter au pub les bouteilles de bière qu’elle vidait. Elle nous ordonnait à ma soeur et à moi – nous avions quatre et six ans – de ne pas les faire tinter en route pour ne pas alerter les voisins ou le reste de la famille. En échange de son secret, nous recevions deux pence d’argent de poche. 6. Le code de comportement qui était exigé, surtout autour de la table le dimanche après-midi, devant le prêtre. Nous devions tout finir dans notre assiette, sans parler. Et pour faire diversion, souvent, je me déguisais avec un poncho et un chapeau. Au piano, je faisais exprès de mal jouer. C’était ma façon à moi de me rebeller contre cet ennui pesant. 7. La tenue : il était interdit de porter des pantalons, surtout les jeans « américains » ! Même tricoter était interdit le dimanche, en fait tout « travail » était interdit. Je me souviens de la Bible avec les mots « Reste tranquille » et « Tais-toi » dans mes oreilles. 8. L’amitié forte entre les femmes de ma famille. Elles partageaient les tâches ménagères, sans gants, sans aide des hommes qui étaient à la mine, sans équipement moderne, toute la longue journée, sans se plaindre.
Virginia
Vacances
Quand j'avais sept ans, on a été à la mer avec ma famille et des amis. Je me suis perdue, du coup j'ai passé la journée avec les amis de mon père et le soir j’ai retrouvé mes parents.
Je me souviens qu'avec l'école, nous partions en classe de neige pendant quinze jours. Nous allions à la station de ski à pied et nous nous amusions beaucoup. Une fois, je descendais la pente et je n’arrivais pas à m’arrêter, je suis passée sous les câbles et j’ai atterri dans un tas de neige.
Dans la région du Pas-de-Calais on célébrait la fête des mères dans une salle des fêtes et le maire offrait une rose aux mamans. Je me souviens des grandes personnes dans la salle, qui buvaient du champagne. Nous, les enfants, mangions du gâteau et buvions du jus de fruits et nous nous amusions ensemble autour de la salle des fêtes.
Je me souviens que ma maison était faite de briques rouges. Certaines maisons dans le Pas-de-Calais sont comme ça, on les appelle des maisons des mines.
Je me souviens quand ma mère étendait le linge, j'adorais le ramasser quand il était sec. En détachant le linge, ma mère riait car j'avais du mal à atteindre le fil.
Quand ma sœur m’amenait au manège, elle me donnait un franc, je mettais la pièce dans une machine qui me donnait une bague ou un bracelet… c’était la surprise.
Je me souviens que ma sœur m’accompagnait à la maternelle. On passait à côté des trains et j’avais très peur. Mais quand on allait en vacances, je montais dans le train et je n’avais pas peur. Pour dormir, mon père me mettait dans le porte-bagage et j’étais très bien. Je me souviens que je déguisais mon chien prénommé Poupette en « chien poupée ».
Je me souviens qu’il cassait ses chaînes pour venir nous chercher mes frères et sœurs et moi à l'école.
Je me souviens, quand j'étais petite, je faisais du cheval sur la chienne du voisin.Pas-de-Calais
Mon père, ma mère, mes frères et mes soeurs
Les chiens
ATELIER « Expressions »
Novembre 2016 – Mars 2017
Association CLÉS
Vic-le-Comte
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www.cles-asso.fr
